
4 mai
Un autre mois. Un autre virage pour une autre ride mensuelle vers un autre rang vaseux, brun et cahoteux. Mon humeur n’est pas bonne. Mon humeur est comme ce chemin de terre printanier, avec les mêmes caractéristiques de bouette qui r’frise dans le cuissard, qui beurre le dérailleur ou qui gicle dans les barniques. Une humeur sale. Et c’est ce que je veux. Me vautrer dans la souille. Sortir des bons sentiments, sortir de l’arc-en-ciel, sortir de Facebook qui dégouline de bonnes idées plates, qui dégobille la solidarité contente et profitable. M’enfermer dans ma mauvaise foi et rester sur mon chemin de gravelle humide. Passer dans les trous, m’arranger pour me faire brasser dans la planche à laver. Chercher à m’enliser dans les tronçons ombragés qui suintent la boue molle du dégel, qui miroitent au loin des mirages de faux bonheur. Choisir les côtes les plus raides, souffrir exprès dans des culs-de-sac impraticables où habitent les édentés du village. Espérer un chien à kicker, un fond de cour à mépriser. Refuser la route pavée, lisse et coulante de solidarité (encore), de bons sentiments (encore) et de bravoures de circonstance. Éviter la pente douce de l’espoir d’un monde meilleur, la bosse facile du ça va bien aller idiot. Persister sur les chemins de terre cabossés, vibrer en eux jusqu’à en sentir les origines. Voir les granges écrasées devenir de beaux bâtiments debout, blanchis à la chaux. Rouler dans l’enfance des vieux, voir les vaches et les ânes, les galeries pleines, les chevaux. Rentrer dans les étés ancestraux, sentir le foin lousse, les mains crevassées. Voir des vies humaines riches, complexes, accomplies. Retrouver la raideur et la saleté du chemin. Penser à ces vies de pères et de mères, en fin de course, laissées en friche, abandonnées. Abandonnés dans leur merde par le beau monde moderne.
Lâchez-moi la solidarité pis les bons sentiments!
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Sur une note plus consolatrice, ici, les chemins de gravelle de Michel Rivard…
Bilan d’avril
Des centaines de kilomètres de vélo. Une belle forme physique. Une colère sourde et coupable. L’élan du Nord freiné.
