
2 mars
Pat et Pierre, je les connais depuis presque trente ans. Ces deux vieux Charlot, useurs de bottes, de vélos et de canots, maîtres de grand déconnage et d’humour rentré (il faut connaître Pierre pour saisir ce dernier concept), créatifs comme quatre (comme Pat), ces deux beaux spécimens outaouais, donc, m’ont amené en camping d’hiver au mont Mégantic en fin de semaine. Ça va te prendre de la pratique c’est évident! C’était dit avec un air exagérément condescendant, donc parfaitement baveux. Le poisson a mordu. Mangez de la marde, vous êtes même pas capable de partir un feu comme du monde…c’est ça riez... N’empêche, je savais qu’avec ce duo de Laurel et Hardy version expert en plein air, je ne finirais pas mort d’hypothermie au fond de mon sac de couchage pas en duvet et sans marque digne de ce nom.
Le plan était de monter notre camp à mi-chemin pis de grimper ensuite, allégés, jusqu’à l’observatoire. C’était beau, magnifique, féérique, magique, toute. Y faisait frette, mais y’avait pas de vent. Rendus à 700 mètres d’altitude, à peu près, la forêt est devenue un immense sanctuaire blanc, complètement irréel où les arbres boursoufflés de givre formaient de grands totems impressionnants. Nous avancions silencieusement, religieusement, jusqu’à ce qu’un de nous lâche un bon gros pet tout à fait inapproprié…(on se pense ben drôle).
Revenus au campement, humidifiés par la rando, à -15, c’était vraiment pas chaud. Pas de douche chaude. Pas de poêle à bois. On a creusé un gros trou dans neige, on s’est mis au sec pis on a fait un feu au plus sacrant (j’ai fait le feu!). On a passé la soirée autour (au-dessus), bas fumant, flasque de vodka, chocolat chaud, bouffe lyophilisée. On s’est fait boucaner en masse. On a radoté nos mêmes vieilles histoires. On s’est couchés pas tard, collés comme des sardines fumées. J’étais au milieu, j’ai pas eu frette mais j’ai pas trop dormi entre les ronflements de l’un et le pétage de l’autre. J’ai pu anticiper, avec bonheur, ma solitude boréale de cet été.
Au matin, on a défait le campement, on a repris le sentier jusqu’en bas en suivant le ruisseau. La lumière était pure. Le moment était pur. Pat, en bon nommeur de choses, a rendu grâce pour notre vieille amitié. Pierre l’a poussé dans neige pour exprimer la même chose. Moi, je me souviens pas, j’ai dû rire simplement.
Reconnaissant.