
17 janvier
Moins vingt-cinq du vent. Vendredi fin d’après-midi. Débarrassé de la semaine. Soleil bas. Retour à la maison. La neige crisse. La galerie de bois sec craque. Maison vide. Non. Deux chats. Couchés. Qui daignent à peine ouvrir les yeux. Dépôt des choses sur le plancher. Des clés sur la table. Décision. Sortir. Pelures. Cagoule. Pantalons. Parka. Note sur le comptoir. Parti marcher.
Re-craquement. Re-crissement. Cagoule sur le nez. Cil glacé. Joue qui pique. Kouic kouic jusqu’à la piste. Dunes de neige durcie. Photo. Lumière piégée dans le verglas des branches. Photo. Soleil comme un déversoir d’or au-dessus du bois. Photo. Sentir les serres du froid sur le bout des doigts. Rouler en boule la main dans le fond de la poche. Plaquer le téléphone au chaud sur la peau. Prendre finalement abri de l’érablière.
Dernier éclat de lumière forestier. Lent recouvrement de gris de tout. Piste de chevreuil. Petit mulot. Envol de la perdrix. Esprit de la forêt. Le laisser s’approcher. Se tenir debout comme un arbre. Écouter. S’immobiliser. Tentation de fuite. Persister. Écouter. Entrechoquement des troncs. Griffures des branches. Présence invisible de l’animal épiant. Silence intérieur. Coup de fusil du froid dans la chair de l’arbre. Sursaut mortel. Dispersion de l’esprit.
Retour. Paisible. Autres ombres sur les dunes. Traces de bottes arrondies. Corps endurci. Âme nordique. Nuit.
Rue. Crissements. Lampadaire. Voiture. Maison. Galerie. Craquement. Fenêtre.
Je les vois. Ils sont tous là attablés dans la lumière chaude de la cuisine, ils rient, ils parlent, ils sont habitués et indulgents face à mes absences sportives.
Je me sens à la fois étranger et rempli de gratitude.
Les deux chats, eux, me regardent.
