
14 janvier
Cher Serge Bouchard,
Je viens de terminer, au sortir d’une séance de spinning, l’écoute de votre livre C’était au temps des mammouths laineux. L’écoute du livre audio lu par son auteur est une drôle d’expérience. D’une certaine façon, elle accentue notre proximité avec ce dernier par le contact sensoriel avec la voix, le timbre, le débit. D’une autre façon, cela nous prive d’une intériorité silencieuse, une bulle, propre à la lecture, qui nous met en contact direct avec le texte sans l’interférence de l’auteur lui-même (de son corps). Vous pourriez penser que j’aurais mieux aimé vous lire que de vous entendre vous lire. Ce n’est pourtant pas le cas. Votre personnalité et votre écriture, fusionnées, m’ont touché spécifiquement. Je ne sais pas pourquoi. Votre voix physique donne une texture à mon élan vers le Nord. J’entends à travers elle l’arbre rabougri, la route solitaire, l’animal tapi, l’indien que je ne connais pas. J’entends la chaleur de votre voix et son réconfort dans la nuit boréale. Votre écriture, quant à elle, m’inspire, m’élève, donne de l’âme à mon projet. Vos envolées anthropoétiques sur les autobus, la forêt, la platitude, le temps, entre autres, m’ont transpercé. Le récit de la longue maladie de votre femme, de son agonie et de sa mort dans votre voix droite, franche et courageuse m’a ému profondément. J’aime votre amour de l’ordinaire et de l’oublié. Et la mort que l’on sent présente partout, créatrice d’âme et de beauté. Je voulais donc vous remercier simplement, cher Serge Bouchard, de m’aider à croire en ce que je fais.
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Nordicité. C’est le mot qui me vient. Ma plus profonde identité. Je suis d’un peuple abouti au Nord parmi d’autres peuples du Nord.
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Dans la pénombre de mon sous-sol, dégoulinant de sueur, j’ai débarqué de mon Kona. Je terminais un voyage sans avoir fait un seul kilomètre. J’ai vu mon fils sur le divan devant l’écran allumé de son jeu vidéo. Les lueurs et les ombres colorées couraient sur son visage, on aurait dit le reflet du chatoiement de l’aurore boréale.