
10 janvier
Un p’tit 11 km de ski de fond pour finir la semaine. Je pousse un peu. Je me sens bien. Sentiment difficilement descriptible. Être dans un bon jour. Être en jambes. Bien sentir la glisse. Diverses expressions pour faire image. Ce qui se passe est dans le corps. Pulsations basses, moins de douleurs dans les muscles lactiques, le sang qui vire et dévire, l’oxygène qui pétille (je niaise, je connais rien là-dans). Puis le mental embarque. C’est facile à soir. L’entraînement rapporte. La confiance gonfle, on en donne un peu plus. Ça tient. Un peu plus encore. On pousse. On spote la pancarte (ou la roue devant), pis on pousse encore. Ça commence à faire mal. Pas mal. Debout sur les pédales. Les cuisses en feu, le corps tendu, les dents serrées. La cible approche. Une autre couche. Donne! On est à fond. Ça fait mal. Le cœur cogne comme un gros maillet de caoutchouc. J’t’au boutte! Pas vrai. Y reste 5 mètres. Donne!!! Le corps plonge dans l’acide, le maillet part du manche, ça déchire… Puis c’est le fulgurant relâchement. La douleur traîne, le temps de bien en jouir. C’est comme un orgasme de souffrance. C’est fucké.
C’est drôle. Je pars en ski de fond pour me préparer à un long voyage d’endurance à la Baie-James et je reviens en vélo de route en train de clancher mes chums en haut de la côte de Racine. Le vélo de route, la puissance, la performance sont inscrits dans la mémoire de mon corps nostalgique. Je connais chaque subtile variation de pourcentage du dénivelé à 40 km à la ronde. Je sais exactement où, dans la pente, en donner un peu plus pour faire exploser l’orgueilleux qui suce ta roue en arrière. En auto, je suis toujours en train de me projeter sur la route. J’en connais intimement chaque tronçon, je suis là, à cet exact endroit, pesant sur les pédales de mon beau Synaps bleu tout carbone.
Je retombe sur mes skis. Je retrouve mes esprits, replace mes fulgurances dans les bons trous. La forme revient peu à peu. Je suis content. Je suis un skieur, c’est l’hiver. Je suis un nordique, un authentique nordique.
Je suis un cycliste qui se prépare à aller moins fort.
Mais à monter encore plus haut, au nord.