Épisode 6: Mystique

30 décembre

Être surpris. On se demandait ça y’a pas longtemps, les boys, dans le shack. C’est quand la dernière fois que la vie t’as vraiment surpris? Les yeux par en haut, l’air bête, le grattage de tête. Une belle gang de vieux blasés. Mais c’est vrai, on s’exclame, on s’indigne, on se désole, mais au fond, on connaît la game. Les affaires, pis le monde, en gros, restent pas mal toujours pareils. C’est plate mais la vie, les gens, les destins mêmes, globalement, sont assez prévisibles. Ç’a l’air cynique dit comme ça, mais c’est un peu vrai. La preuve, c’est que, des fois, pas souvent, on est vraiment surpris. Oh boy, je l’attendais vraiment pas celle-là! Si l’imprévisibilité régnait, il n’y aurait plus de surprise. Est-ce que quelqu’un se surprend encore des frasques de Trump?

Des fois, donc, on est surpris. Une chance! La surprise, ç’est ce qui nous fait vivre. Sans surprise jamais, on désespère. Sans surprise, on arrête, on lâche, tout est joué d’avance. Ça sert à quoi de continuer? Mais suffit d’une fois, une fois où ça ne se passe pas comme ça devait se passer et tout devient possible, ça peut changer, la vie peut changer. En mieux.

J’ai l’impression vague, déjà, que je me concocte une surprise, une sorte de mystère avec ce trip. Ça semble contradictoire: on ne se construit pas un mystère, c’est illogique. Pourtant, je vois une étoile apparaître (à genoux misérables et priez!). C’est quoi? Le ciel boréal? Le passage fugace du loup? Les traces d’un monde ancien? La surprise est-elle plutôt dans le parcours lui-même, cachée dans le défilé austère du chemin, le mouvement infini de la roue (Bouddha sors de ce corps!)? M’en vais-je finalement à la rencontre du chaman?

Je ne le sais pas.

On the James Bay mystic road, guitare, voix, cri du carcajou.