Épisode 4: Mon ami Kona

28 décembre

Cet été, j’ai vendu mes vélos de route pour m’acheter un gravel bike que j’arrive pas à arrimer à mon home trainer. J’ai besoin de me remettre à pédaler. De repartir la manivelle. Je me suis donc inscrit au gym pour avoir accès aux vélos stationnaires. Je vais devenir une icône de l’époque: un corps en vitrine qui s’agite pour aller nulle part.

Ouin, j’ai lâché la vitesse. Tanné. Pus capable d’atteindre le niveau, pus capable de suivre les gars. Tanné de me saucissonner dans des maillots laites. Tanné des chars. J’ai décidé de me convertir aux chemins de terre pis aux longues rides. Rien de concluant à date. J’ai à peine roulé deux ou trois fois avec mon nouvel engin. Pus de jus. Conversion ratée. Je suis sans religion depuis. Une icône profane fatiguée. Mais qui cherche. Qui veut.

Par ailleurs, j’ai envoyé le début de ce journal à Vélo Mag pour leur proposer de le publier sur le Web. Je lance ma ligne. On sait jamais. D’un coup que ça mord. D’un coup que mes mots arrivent à en accrocher deux ou trois pour faire le voyage avec moi. Je me sentirais peut-être un peu moins seul pis plus courageux, la nuit, dans ma p’tite tente au beau milieu de la taïga.

Sinon, je pourrai toujours tenter de me partir un blogue, pourquoi pas?

En attendant, je reçois ce soir mes sœurs pour les Fêtes. Je vais leur annoncer mon projet. Mes sœurs vont tout simplement trop réagir. Le beau-frère, lui, ça va l’allumer; l’esprit d’aventure il l’a encore plus que moi. Je me demande ben dans quoi je m’embarque…

En allant chauffer le poêle tantôt en bas, avant que la visite arrive, j’ai vu mon vélo, un beau Kona gris sombre à pneus à flanc beige oublié là, accoté sur le mur. Je suis allé le voir. Un souffle animiste a remué l’air. De profane, je suis passé à païen. J’ai mis ma main sur le guidon, j’ai penché la tête. J’espère qu’on va devenir des amis toi pis moi…

Il a pas dit un mot.