Ma petite tente

Je me suis acheté une petite tente.  Je l’ai trouvée au magasin, c’est la première que j’ai vue, je l’ai choisie sur le champ.  Voilà ce qu’il me faut, me suis-je dit.  Elle trônait là sans son double toit, en première place dans la section des tentes, petit refuge rectangulaire, boîte à souliers, boîte d’allumettes.

Une maisonnette pour moi tout seul.

Le vendeur a voulu me vanter ses attributs, un mini vestibule ici, une trappe d’aération là, des qualités qui me semblaient bien dérisoires tout comme son discours, inutile; j’avais déjà jeté sur elle mon dévolu.

Le paquet était léger et fin; je suis sorti du magasin avec elle sous le bras. 

Ma petite tente.

Rendu chez moi, je l’ai montée pour l’essayer.  Facile, deux branches, flip, flap, léger, compact.  Puis, j’ai installé le double toit, facile encore, clip, clap.

Elle changeait de forme. Ç’est devenu une sorte de coquille, j’ai pensé à deux mains arrondies qu’on pose sur quelque chose pour le protéger.  J’ai ouvert la fermeture éclair du double toit, me suis penché, placé mon vieux corps en boule dans l’espace sous la toile, le « vestibule ».  Un vestibule si petit que mon corps l’anéantissait.  J’ai ouvert la deuxième fermeture éclair, me suis déplié pour entrer finalement dans ma tente.  J’y étais. J’ai refermé la fermeture éclair qui a coincé un peu dans le tournant, sans plus. Je me suis étendu sur le dos.  J’ai tendu le bras pour tester la « trappe d’aération », un pauvre petit bâton de nylon en appui sur un bout de toile.  Puis j’ai attendu.  .  

J’ai attendu.

Il n’y avait rien.

J’ai attendu.

Il ne s’est rien passé, à part quelques grains de pluie.

C’est tout.