L’orphelin de Noël

Voici une fantaisie de Noël, un peu gratuite, j’avoue. Excusez-là...

Depuis un mois, je cherche une idée pour un conte de Noël.  Je me suis dit, ça va faire les textes qui parlent de septembre en octobre et d’octobre en décembre, je vais leur offrir un conte de Nowël à Nowël!

Au début, j’ai pensé parler de mes chats.  En fait, on en a juste un parce qu’on a perdu l’autre il y a un an, il est disparu.  Il aurait donc été question de mon chat Mario qui s’ennuie de son amie, la chatte Hermione.  Noël approche, Mario erre dans la maison comme un pauvre esseulé. Il se regarde dans une boule de Noël, c’est la grosse face d’Hermione qu’il voit.  Une petite fille handicapée serait arrivée dans l’histoire.  Elle se retrouve, en chaise roulante, dans une plantation de sapins et paf! elle aperçoit Hermione.  Le conte se serait terminé lorsqu’elle ramène la chatte chez nous le 23 décembre grâce à sa puce électronique qui ne fonctionne plus, mais que la magie de Noël a réparé.  Quand les deux chats se retrouvent, ils se reconnaissent instantanément non sans avoir vérifier leur identité en se reniflant le derrière.

J’ai abandonné cette prometteuse idée.  Trop de pathos.

J’ai pensé ensuite écrire sur ma naissance.  La première phrase aurait été : Je suis né le 25 décembre (ce qui est vrai). L’histoire aurait raconté l’accouchement de ma mère afin de m’expédier dans la vie.  C’est la nuit de Noël.  Ma mère est déjà bien dilatée.  Mon père est distrait par des reflets mystérieux sur la vitre de la chambre d’hôpital.  Après une poussée, ma mère chiale après mon père : Qu’est-ce que tu fais Henri-Paul, j’ai besoin de toi!  Ma mère pense qu’il cherche à se changer les idées pour ne pas perdre connaissance. En fait, on comprend que mon père capote réellement à cause de ce qu’il voit à la fenêtre.  Une autre poussée, ma mère crie : HENRI-PAUL, J’ACCOUCHE !!! et là je sors comme un bouchon de champagne, pop! dans les bras du docteur.  À cet instant, je fais le premier sourire de ma vie en voyant la grosse face du père Noël apparaître à la fenêtre. 

J’aimais bien ça, c’était solide, mais je trouvais la fin trop facile. 

La dernière idée que j’ai eue, ce matin, est ma rencontre improbable avec mon idole, le chroniqueur à la retraite Pierre Foglia.  Je l’aurais aperçu un 24 décembre dans ma ride de vélo, reconnu à sa tête non casquée.  Sur sa monture, il peine dans la côte du chemin Malboeuf.  Je le rattrape.  Une tempête de neige aussi soudaine que furieuse nous met subitement en danger.  On n’a d’autres choix que de se réfugier en forêt.  En proie à l’hypothermie, nous nous enlaçons en nous faisant un peau à peau.  Un chevreuil parlant s’approche : La vie est courte mes amis, suivez moi!  Il nous amène dans une grotte, une fête y fait rage : lutins, père Noël et fée des étoiles, à peine vêtus, dansent lascivement sous le chaud éclairage d’un feu brillant dans l’âtre. Le conte se serait terminé par nos sourires, béats, les deux en bedaine, devant ce spectacle magique.  

J’aurais aimé faire de ce conte un hommage à l’ironie subtil de mon mentor et, comme lui, susciter malicieusement l’équivoque, mais ce genre d’exercice, « à la manière de », est toujours raté et je n’irai pas là.

***

Me voilà donc cul sur la paille, dépossédé de toute magie, à quelques jours de Noël, sans rien pour faire rêver qui que ce soit. Me voilà bien baisé, comme dirait peut-être la fée des étoiles dans la caverne.

C’est maintenant qu’il devrait se passer quelque chose.

Je vois bien mon sapin devant la fenêtre, très bien décoré soit dit en passant, ma blonde est une experte.  Je vois de la neige au sol.  C’est la réalité.  Je vois un coussin gris avec un renne carotté noir et rouge dessus.  Je vois mon chat Mario couché en boule sur le pouf qui se fout, finalement, de tout.

J’ai besoin d’un signe, quelque chose.

Une auto passe.

Pas de magie.

Mon café est froid.

Pas de magie

Le téléphone sonne, c’est le 811 pour un rendez-vous pour le renouvellement de ma prescription.  C’aurait pu être une petite fille qui a retrouvé mon chat, ou Foglia qui a lu mes textes dans le Val-Ouest et me dit qu’il a trippé, ou mon père, de l’au-delà, pour me dire : arrête ces folies mon garçons!  Non.  C’est le 811 pour la clientèle orpheline.

Voilà, c’est ça!  Je suis orphelin. Orphelin de ma chatte Hermione.  Orphelin de Foglia qui n’écrit plus et n’écrira plus jamais.  Orphelin de mon père qui m’aime malgré tout assis sur son nuage.  Et finalement : orphelin de contes.

Je réveille mon garçon, cogne à sa porte : toc, toc, toc.

-Mmmhff…

Y’é huit heure et demie!

Il descend longtemps après, en retard.

Prends le temps de manger!

Il prend son sac, pas de tuque, pas de bottes, pas de mitaines.  Il ouvre la porte. 

Bonne journée l’père, j’t’appelle si j’ai besoin d’un lift.

***

Aucune magie.  Aucun scintillement. Aucune clochette. Rien.  Que cette morne et implacable réalité du quotidien.  Que nous reste-t-il?  Manger.  Je vais me faire réchauffer une bonne galette de patate à déjeuner dans le air fryer. Je tire le tiroir.  Mais qu’est-ce que je vois là ?! 

-Hermione! Foglia!  Papa!  C’est vous ?!

Ce sont eux!!!  Les trois, minuscules, en train de me faire des tatas au fond du tiroir du air fryer.

-Joyeux Noël Nicolas!  Et bonne fête!  Joyeux Noël tout le monde!!!

Je les entends à peine avec leur petite voix, ils ajoutent quelque chose, je me penche, je tends l’oreille.

-Fais attention de ne pas nous écraser en plaçant ta galette de patate à déjeuner dans le air fryer!

Fin

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